Une lettre d’amour aux langues anciennes.

Lors de la remise des prix des concours régionaux de l’Arelabor tenue le 20 mai 2015 à l’hôtel de Poissac en présence de M. Le Recteur, 4 élèves ont tenu à faire la déclaration suivantes qu’elles nous ont autorisés à rediffuser. Grâce leur en soit rendue!

« Nous aimerions profiter de notre présence ici pour dire quelques mots, au nom des élèves latinistes et hellénistes de notre lycée. Le climat actuel est plutôt défavorable à l’enseignement des langues anciennes – nous pensons notamment à la nouvelle réforme du collège, qui supprimerait l’enseignement optionnel du latin et du grec, mais aussi au peu de publicité qui est faite autour du contenu de ces options. Aussi nous a-t-il paru capital de défendre ces matières, en témoignant de l’importance qu’elles revêtent à nos yeux, non seulement pour toutes les connaissances mais aussi pour l’enrichissement personnel qu’elles nous apportent ; et en expliquant pourquoi il nous semble impératif de les enseigner dès le collège.

Les cours de latin sont souvent considérés comme les heures qui rallongent les journées, durant lesquelles on bredouille des mots qui finissent par « um », en cherchant dans des livres poussiéreux… Cependant, même s’il est vrai que ces cours sont systématiquement relégués aux horaires dont personne ne veut, ce sont des bouffées d’air nouveau, des fenêtres ouvertes sur une infinité de choses à découvrir.

En circulant parmi les élèves pour leur demander ce que les langues anciennes leur apportaient, nous avons obtenu une multitude de réponses, qui témoignent de la richesse de ces enseignements : que ce soit des connaissances historiques, littéraires, étymologiques… elles donnent une vraie culture générale, et tissent des liens avec les autres matières, en plus de nous apprendre les origines de notre langue et de notre culture. Mais elles forment aussi un véritable esprit d’analyse, en habituant à une rigueur dans l’application des méthodologies ; elles aident donc autant à acquérir des méthodes de travail efficaces, qu’à trouver des accroches pour une dissertation, à progresser en espagnol ou à comprendre des mots de notre propre langue.

Mais, loin de se résumer à un gain de compétences scolaires, les Humanités participent à la construction de l’individu qui les étudie. Et dans une époque où nous sommes immergés dans un océan d’informations, d’images et de publicités, il est indispensable de pouvoir comprendre ce monde. Cela peut sembler paradoxal, mais se plonger dans l’étude des textes antiques aide à accéder à cette compréhension ; et à explorer des parts intemporelles, universelles, du fonctionnement humain.

Enfin, faut-il négliger de parler du plaisir que nous trouvons à nous rendre à ces cours ? Alors que je demandais à une élève de ma classe ce que lui apportait l’étude du latin, elle s’est trouvée prise au dépourvu et a souri comme si je lui avais posé une question absurde : « parce que j’adore ça, tout simplement ! » a-t-elle répondu.

Pour ceux qui n’auraient jamais fréquenté une classe de langues anciennes, il peut être en effet difficile de s’imaginer à quoi cela ressemble : généralement en petit groupe réuni autour d’un professeur passionné et bienveillant, c’est un cours où l’entraide et la bonne humeur sont souvent au rendez-vous. S’y retrouvent des élèves de toutes les filières, de tous les niveaux, avec des projets d’études très variés ; et parmi tous nos camarades que nous avons interrogés, nous n’en avons d’ailleurs pas trouvé un seul qui y ressente un climat élitiste ; c’est, au contraire, un cours où, bien souvent, nous ne « comprenons pas » tous ensemble.

Même si la grammaire grecque ou latine peut être effrayante, avec ses tableaux à connaître par cœur et ses règles dans lesquelles la moitié des mots sont des exceptions, le contenu des cours est, lui aussi, très varié et ne se résume pas à de la traduction et des déclinaisons : nous étudions l’histoire, par le biais de textes, de films, d’œuvres d’art, de visites culturelles ; nous lisons des textes traduits, comme l’Iliade et l’Odyssée, qui demeurent d’inépuisables sources d’inspiration aujourd’hui encore ; bien sûr il y a de la grammaire aussi, des déclinaisons, de l’étymologie, mais abordée au fur et à mesure, et illustrée par les textes que nous traduisons… et que nous sommes tout à fait capables d’apprendre !

Sans oublier que les trois années de collège permettent de répartir l’apprentissage de la grammaire, et d’initier petit à petit à l’univers gréco-latin, à travers une grande part de civilisation.

Voilà ce que représentent pour nous le latin et le grec : comment imaginer priver les futurs collégiens d’une telle chance de s’instruire, de se construire, de comprendre, de donner du sens à ce qu’ils apprennent en créant des ponts entre les matières? Car la pluridisciplinarité qu’on aimerait installer, n’est-elle pas déjà présente dans les Humanités ? Ces dernières ne nous apprennent-elles pas l’histoire, de la littérature, l’histoire de l’art, des civilisation, des langues, enfin notre propre histoire ? »

Corazza Lola, Chaumond Laurine, Nadiradze Elisa, Ruher Julie.

Au nom des élèves hellénistes et latinistes du lycée Bertran de Born à Périgueux.