Travail de Germain Teilletche.
Téléchargeable en pdf ici : Groupement de texte bilingue latin grec carpe diem
Séance 1 : le lyrisme d’ Anacréon (550-464)
Odes XLI, XXXIX et LIV
SUR UN BANQUET
Soyons joyeux, buvons du vin, chantons Bacchus, Bacchus, l’inventeur des danses, Bacchus l’ami des chansons, Bacchus, le compagnon de l’amour, Bacchus, l’amant de Cythérée, lui qui nous donna la joie, lui qui enfanta les Grâces, lui qui charme la tristesse, lui qui endort tous les chagrins. Enfants, apportez-nous un doux mélange de nectar et de miel, et la triste douleur fuira sur l’aile des vents dans les mers orageuses. Prenons cette coupe et chassons les chagrins. Que te servira-t-il de gémir sur tes soucis ? Tu ne peux connaître l’avenir ; la vie des mortels est incertaine. Hé bien ! Je veux être ivre, je veux danser, je veux être couvert de parfums et jouer avec de belles femmes. Qu’ils s’abreuvent de chagrins ceux qui veulent s’en abreuver ; mais nous, soyons joyeux, buvons du vin, chantons Bacchus.
SUR UN BANQUET (bis !)
Quand je bois du vin, la joie descend dans mon cœur et je me mets à célébrer les Muses.
Quand je bois du vin, je chasse loin de moi les inquiétudes ; les pensées désolantes s’envolent sur les ailes des vents qui tourmentent les mers.
Quand je bois du vin, le joyeux Bacchus me balance dans les airs parfumés après m’avoir enivré de sa douce liqueur.
Quand je bois du vin, je tresse des couronnes de fleurs, je les pose sur ma tête et je chante le calme de la vie.
Quand je bois du vin, j’inonde mon corps des parfums d’une essence odorante, je presse dans mes bras une jeune fille et je chante Cypris.
Quand je bois du vin, je noie mon esprit dans les coupes profondes, et je folâtre joyeusement avec un essaim de jeunes vierges.
Quand je bois du vin, c’est un gain véritable, le seul que je puisse emporter avec moi, car mourir est notre lot commun.
SUR LUI-MÊME
Déjà mon front est dépouillé, ma tête blanchit, l’aimable jeunesse s’est enfuie loin de moi ; mes dents même ont vieilli. Il ne me reste plus longtemps à jouir des douceurs de la vie.
διὰ ταῦτ’ ἀνασταλύζω
θαμὰ Τάρταρον δεδοικώς•
Ἀίδεω γάρ ἐστι δεινὸς
μυχός,
Tous les mortels y descendent : nul n’en connaît le retour.
διά : PRP 2. + acc.: avec l’aide de, grâce à; par le fait de, à cause de; (poét.) à travers, le long de; au cours de; PRF 1. séparation: de part et d’autre, ici et là;
οὗτος, αὕτη, τοῦτο : celui-ci, celle-ci, ceci
ἀνασταλύζω : je descends
θαμά : en grand nombre; souvent, fréquemment, en se succédant rapidement
Ἀίδεω : je clame
δεινός, ή, όν : qui inspire la crainte, terrible, effrayant
μυχός, ou, m : destination
Séance 2 : Militia Veneris (Anacréon)
SUR SA LYRE
Θέλω λέγειν Ἀτρείδας, θέλω δὲ Κάδμον ἄιδειν, ὁ βάρβιτος δὲ χορδαῖς ἔρωτα μοῦνον ἠχεῖ. ἤμειψα νεῦρα πρώην καὶ τὴν λύρην ἅπασαν· κἀγὼ μὲν ἦιδον ἄθλους Ἡρακλέους, λύρη δέ ἔρωτας ἀντεφώνει. χαίροιτε λοιπὸν ἡμῖν, ἥρωες· ἡ λύρη γάρ μόνους ἔρωτας ἄιδει.
Je veux chanter les Atrides, je veux aussi chanter Cadmus ; mais les cordes de ma lyre ne résonnent que pour l’amour. Je les ai d’abord changées, puis j’ai fait choix d’une autre lyre, et je célébrai les luttes d’Hercule ; mais ma lyre me répondait par un chant d’amour. Adieu donc, héros ! Adieu pour jamais ! Ma lyre ne peut chanter que les amours.
ἐθέλω / θέλω : vouloir
λέγω : dire
ἔρως, ωτος (ὁ) : désir des sens, amour
μόνος, η, ον : seul, unique; solitaire, isolé (de [+ gén.]); ADV (acc. n. sg.) seulement
ἥκω : arriver, être arrivé, être venu, être là; survenir; en arriver à;
se rapporter à, concerner
Αιδεω : chanter
βάρβιτος : le petit bruit
Séance 3 : Les amours de Sappho
- Hymne à Aphrodite : Immortelle Vénus, fille de Jupiter, toi qui sièges sur un trône brillant et qui sais habilement disposer les ruses de l’amour, je t’en conjure, n’accable point mon âme sous le poids des chagrins et de la douleur. Mais plutôt viens à ma prière comme tu vins autrefois, quittant le palais de ton père et descendant sur ton char doré. Tes charmants passereaux t’amenaient de l’Olympe à travers les airs qu’ils agitaient de leurs ailes rapides. Dès qu’ils furent arrivés, ô déesse ! tu me souris de ta bouche divine ; tu me demandas pourquoi je t’appelais ; quels tourments ressentait mon cœur, en quels nouveaux désirs il s’égarait ; qui je voulais enchaîner dans les liens d’un nouvel amour : « Qui oserait te faire injure, ô Sappho ! S’il te fuit aujourd’hui, bientôt il te recherchera ; s’il refuse aujourd’hui tes dons, bientôt il t’en offrira lui-même s’il ne t’aime pas aujourd’hui, il t’aimera bientôt lors même que tu ne le voudrais plus. » O viens, viens donc aujourd’hui, déesse, me délivrer de mes cruels tourments ! Rends-toi aux désirs de mon cœur ! Ne me refuse pas ton secours tout-puissant !
- Aphorisme
Ὀ μὲν γὰρ κάλος, ὄσσον ἴδην, πέλεται [ἄγαθος] ὀ δὲ κἄγαθος αὔτικα καὶ κάλος ἔσσεται.
καλός, ή, όν : beau, bon
πέλω : devenir;
ἀγαθός, ή, όν : bon, vertueux, honnête
αὐτίκα : à l’instant même, aussitôt
ὄ σσον ἴδην : quand on le regarde
ἔσσεται : futurdu verbe « être ».
C. Prière à Aphrodite.
Γλύκεια μᾶτερ, οὔ τοι δύναμαι κρέκην τὸν ἴστον, πόθῳ δάμεισα παῖδος βραδίναν δἰ Ἀφρόδιταν.
γλυκύς, εῖα, ύ : de saveur ou d’odeur
douce; doux, agréable, charmant
δύναμαι : pouvoir
ἱστός, οῦ (ὁ) : tissu, (pièce de) toile
κρέκη, ηs, f : la navette
πόθος, ου (ὁ) : désir d’une chose éloignée ou absente, regret; désir passionné, sensuel, amour
παῖς, παιδός (ὁ/ἡ) : enfant
L’homme qui n’est que beau, l’est seulement pendant qu’on le regarde, mais l’homme sage et bon est toujours beau. O ma tendre mère, je ne puis, hélas ! manier la navette ni l’aiguille : la redoutable Vénus m’a soumise à son joug impérieux, et mon violent amour pour ce jeune homme m’occupe tout entière.
Séance 4 : Les préoccupations d’ Anacréon
Οὔ μοι μέλει τὰ Γύγεω τοῦ Σαρδίων ἄνακτος, οὐδ’ εἷλέ πώ με ζῆλος, οὐδὲ φθονῶ τυράννοις. ἐμοὶ μέλει μύροισιν καταβρέχειν ὑπήνην, ἐμοὶ μέλει ῥόδοισιν καταστέφειν κάρηνα· τὸ σήμερον μέλει μοι, τὸ δ’ αὔριον τίς οἶδεν; ὡς οὖν ἔτ’ εὔδι’ ἔστιν, καὶ πῖνε καὶ κύβευε καὶ σπένδε τῶι Λυαίωι, μὴ νοῦσος ἤν τις ἔλθηι λέγηι σε μηδὲ πίνειν. |
|
Je ne me soucie point de Gygès, roi de Sardes. L’ambition ne me tourmente pas et les tyrans ne me font pas envie. Tout mon soin c’est de verser des parfums sur ma barbe, c’est de placer une couronne de roses sur mon front ; tout mon soin c’est de jouir du présent. Eh ! Qui connaît le lendemain ? Pendant que l’heure t’est propice, bois, joue aux dés, offre des libations à Bacchus, de peur qu’une maladie ne vienne te dire : « Il ne faut plus boire ! »
Séance 5 : Prendre le temps de vivre (mais cachons-nous)
- Catulle et son amie, Lesbie.
Vivamus, mea Lesbia, atque amemus, rumoresque senum severiorum omnes unius aestimemus assis. soles occidere et redire possunt:
nobis, cum semel occidit brevis lux, nox est perpetua una dormienda. da mi basia mille, deinde centum, dein mille altera, dein secunda centum, deinde usque altera mille, deinde centum.
dein, cum milia multa fecerimus, conturbabimus illa, ne sciamus, aut nequis malus invidere possit, cum tantum sciat esse basiorum.
Catulle
lexique
basium, ii, n. : baiser mi, = mihi (datif de ego) occido, is, ere, occidi, occisum : tomber à terre aestimo, as, are : estimer, juger alter, era, erum : autre alter, era, erum : autre de deux alter, era, erum : l’autre (de deux) amo, as, are : aimer, être amoureux as, assis, m. : as (monnaie) atque, conj. : et, et aussi aut, conj. : ou, ou bien basium, ii, n. : baiser breuis, e : court (espace ou temps) centum, inv. : cent conturbo, as, are : troubler, bouleverser, altérer dein, inv. = deinde deinde, adv. : ensuite do, das, dare, dedi, datum : donner dormio, is, ire, iui, itum : dormir, ne rien faire facio, is, ere, feci, factum : faire ille, illa, illud : ce, cette, celui-ci, celle-ci, il, elle inuideo, es, ere, uidi, uisum : être jaloux, envier lux, lucis, f. : lumière, jour malus, a, um : mauvais. comp. peior, sup. : pessimus (-umus) meus, mea, meum : mon | meus, mea, meum : mon mille, n. pl. ia, ium : mille mille, n. pl. ia, ium : mille (milia : quand il s’agit de plusieurs milliers) multus, a, um : en grand nombre (surtout au pl. : nombreux) nequeo, is, ire, quiui-quii, quitum : ne pas pouvoir ; – quin : ne pouvoir s’empêcher de. nos, nostrum : nous, je nox, noctis, f. : nuit occido, is, ere, occidi, occisum : I. 1. tomber à terre 2. succomber, périr 3. se coucher II. couper, mettre en morceaux, tuer omnis, e : tout perpetuus, a, um : perpétuel possum, potes, posse, potui : pouvoir rumor, oris, m. : rumeur scio, is, ire, sciui, scitum : savoir semel, adv. : une (seule) fois senex, senis, m. : vieillard seuerus, a, um : sérieux, sévère sol, solis, m. : soleil tantum, adv. : tant de, tellement ; seulement tantus, a, um : si grand ; -… ut : si grand… que uiuo, is, ere, uixi, uictum : vivre una, adv. : ensemble, en même temps unus, a, um : un seul, un usque, prép. : usque ad, jusqu’à ; adv. continuellement redeo, is, ire, ii, itum : revenir |
2. Carpe diem chez Horace
[1,11,1] Ne cherche pas à connaître, il est défendu de le savoir, quelle destinée nous ont faite les Dieux, à toi et à moi, ô Leuconoé; et n’interroge pas les Nombres Babyloniens. Combien le mieux est de se résigner, quoi qu’il arrive! Que Jupiter t’accorde plusieurs hivers, ou que celui-ci soit le dernier
[1,11,5] qui heurte maintenant la mer Tyrrhénienne contre les rochers immuables, sois sage, filtre tes vins et mesure tes longues espérances à la brièveté de la vie. Pendant que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit. carpe diem, quam minimum credula postero.
lexique
carpo, is, ere, carpsi, carptum : cueillir, harceler, affaiblir dies, ei, m. et f. : jour | minimus, a, um : très petit credulo, as, are : croire posterus, a, um : suivant ; in posterum : à l’avenir |
Séance 6 : Catulle sans Lesbia (poème 51 et 8) !
- DICEBAS quondam solum te nosse Catullum, Lesbia, nec prae me uelle tenere Iouem. dilexi tum te non tantum ut uulgus amicam, sed ut pater gnatos diligit et generos.
pater, tris, m. : père amica, ae, f. : amie, maîtresse dico, is, ere, dixi, dictum : 1dire diligo, is, ere, legi, lectum : aimer ego, mei : je gener, eri, m. : gendre gnatus, i, m. : l’enfant Iuppiter, Iouis, m. : Jupiter nec, adv. : et…ne…pas nosse, infinitif parfait de nosco, is, ere : connaître | prae, adv : devant quondam, adv. : jadis sed, conj. : mais solus, a, um : seul tantum, adv. : seulement teneo, es, ere, ui, tentum : considérer tu, tui, pron. : tu, te, toi tum, adv. : alors ut, conj. : comme (ici) uulgus, i, n. : lle commun des hommes uelle : vouloir |
- Nunc te cognoui: quare etsi impensius uror, multo mi tamen es uilior et leuior. qui potis est, inquis? quod amantem iniuria talis cogit amare magis, sed bene uelle minus.
LXXII.
lexique
cogo, is, ere, egi, actum : forcer amans, antis : l’amant amo, as, are : aimer, être amoureux bene uelle : être bienveillant cognosco, is, ere, noui, nitum : connaître etsi, conj. : même si impensius, adv. : avec zèle, avec empressement iniuria, ae, f. : injustice inquis, 2ème p. de inquam : dis-tu leuis, e : léger magis, adv. : plus magus, i, m. : mage mi, = mihi (datif de ego) | minus, adv. : moins multo, adv. : beaucoup, de beaucoup nunc, adv. : maintenant potis, pote, inv. : possible quare, inv. : c’est pourquoi, pourquoi qui : pourquoi… ? quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : parce que sed, conj. : mais talis, e : tel ; … qualis : tel.. que tamen, adv. : cependant tu, tui, pron. : tu, te, toi uilis, e : de peu de prix, uro, is, ere, ussi, ustum : brûler |
À LUI-MEME Malheureux Catulle, mets un terme à ton ineptie; ce que tu vois perdu, tiens-le pour perdu. D’éblouissants soleils brillèrent jadis pour toi, lorsque tu accourais aux fréquents rendez-vous (5) d’une femme chère à nos coeurs comme aucune ne le sera jamais; heureux moments! signalés par tant d’ébats joyeux: ce que tu voulais, ton amante le voulait aussi. Oh! oui, d’éblouissants soleils brillèrent pour toi! mais maintenant, elle ne veut plus; toi-même, faible coeur, cesse de vouloir; (10) ne poursuis pas une amante qui fuit; ne fais pas le malheur de ta vie. Adieu, femme! déjà Catulle endurcit son âme; il n’ira pas te chercher ni te prier quand tu le repousses. Toi aussi, tu pleureras, lorsque personne ne te priera plus! (15) Scélérate, sois maudite! Quel sort t’est réservé? Qui, maintenant, te recherchera? Qui te trouvera jolie? Qui aimeras-tu maintenant? De quel homme va-t-on dire que tu es la conquête? Pour qui tes baisers? De qui vas-tu mordre les lèvres?… Mais toi, Catulle, tiens bon et endurcis ton âme!
Séance 7 : amours et souffrance
- Anacréon, Ode 54 : Dès que je vois la foule des jeunes hommes, je rajeunis et, bien que vieux, je cours légèrement aux danses. Ainsi, rajeunis avec moi, et apporte ici des roses ; le veux m’en couronner. Loin de moi la vieillesse ! Je veux être jeune, au milieu des jeunes hommes, dans les danses joyeuses ! Qu’on me donne la liqueur de Dionysos, et qu’on puisse voir un vieillard vigoureux parler, boire et s’emporter avec charme !
- Extrait de Sappho
Χαλεπὸν τὸ μὴ φιλῆσαι, Χαλεπὸν δὲ καὶ φιλῆσαι, Χαλεπώτερον δὲ πάντων Ἀποτυγχάνειν φιλοῦντα. Γένος, οὐδὲν εἰς ἔρωτα. Σοφίη, τρόπος πατεῖται. Μόνον ἄργυρον βλέπουσιν.χαλεπός, ή, όν difficileφιλέω aimer
μή Négation d’un verbe πᾶς, πᾶσα, πᾶν tout entier, tout
|
γένος, ους (τό) naissanceοὐδείς, οὐδεμία, οὐδέν aucunεἰς/ἐς (att.) dans, au milieu de, auprès de
σοφία, ας (ἡ) sagesse τρόπος, ου (ὁ) direction (conduit, canal); tournure, attitude; manière, façon, mode μόνος, η, ον seul ἄργυρος, ου (ὁ) argent βλέπω Ici, tourner le regard vers |