Groupement de textes bilingue: L’affaire Catilina

Groupement de textes bilingue latin-grec

par Germain Teilletche

Téléchargeable en pdf ici : Groupement de textes bilingue latin grec Catilina

L’ affaire Catilina

Séance 1 : les protagonistes.

  1. Cicéron

Nous connaissons essentiellement Cicéron (-107 ; -43) grâce à la biographie que lui a consacrée en grec Plutarque. Extraits choisis de l’incipit :

Κικέρωνος δὲ τὴν μὲν μητέρα λέγουσιν Ἑλβίαν                                                                 : elle était d’une famille distinguée, et soutint, par sa conduite, la noblesse de son origine. On a sur la condition de son père des opinions très opposées : Οἱ μὲν γὰρ ἐν γναφείῳ τινὶ καὶ γενέσθαι (…) τὸν ἄνδρα λέγουσιν, οἱ δ’ εἰς Τύλλον Ἄττιον ἀνάγουσι τὴν ἀρχὴν τοῦ γένους                                                                                                                                                                                                                                  qui régna sur les Volsques avec tant de gloire. Le premier de cette famille qui eut le surnom de Cicéron fut un homme très estimable ; aussi ses descendants, loin de rejeter ce surnom, se firent un honneur de le porter, quoiqu’il eût été souvent tourné en ridicule. Κίκερ γὰρ οἱ Λατῖνοι τὸν ἐρέβινθον καλοῦσι                                                                                                                                                                           ; et le premier à qui on le donna avait à l’extrémité du nez une excroissance qui ressemblait à un pois chiche, et qui lui en fit donner le surnom. Cicéron, celui dont nous écrivons la vie, la première fois qu’il se mit sur les rangs pour briguer une charge, et qu’il s’occupa des affaires publiques, fut sollicité par ses amis de quitter ce surnom et d’en prendre un autre ; mais il leur répondit, avec la présomption d’un jeune homme, qu’il ferait en sorte de rendre le nom de Cicéron plus célèbre que ceux des Scaurus et des Catulus. Pendant sa questure en Sicile, il fit aux dieux l’offrande d’un vase d’argent, sur lequel il fit graver en entier ses deux premiers noms, Marcus Tullius ; et au lieu du troisième, il voulut, par plaisanterie, que le graveur mît un pois chiche. Voilà ce qu’on dit de son nom. (…)

Sa mère le mit au monde sans travail et sans douleur ; il naquit le 3 de janvier, jour auquel maintenant les magistrats de Rome font des voeux et des sacrifices pour la prospérité de l’empereur. Il apparut, dit-on, à sa nourrice un fantôme qui lui dit :  » ὄφελος μέγα πᾶσι Ῥωμαίοις ἐκτρεφούσῃ. (…)

II avait reçu de la nature un esprit né pour la philosophie et avide d’apprendre, tel que le demande Platon : fait pour embrasser toutes les sciences, il ne dédaignait aucun genre de savoir et de littérature ; mais il se porta d’abord avec plus d’ardeur vers la poésie ; et l’on a de lui un petit poème en vers tétramètres, intitulé Pontius Glaucus, qu’il composa dans sa très grande jeunesse. (…)

Καὶ γὰρ ἦν ὄντως τὴν ἕξιν ἰσχνὸς καὶ ἄσαρκος                                                                                   , et il avait l’estomac si faible, qu’il ne pouvait manger que fort tard, et ne prenait que peu de nourriture. ἡ δὲ φωνὴ πολλὴ μὲν καὶ ἀγαθή, σκληρὰ δὲ καὶ ἄπλαστος                                                                             ; et comme il déclamait avec beaucoup de chaleur et de véhémence, en s’élevant toujours aux tons les plus hauts, on craignait que son tempérament n’en fût altéré. (…)

C’est de tous les orateurs celui qui a le mieux fait sentir aux Romains quel charme l’éloquence ajoute à la beauté de la morale ; de quel pouvoir invincible la justice est armée, quand elle est soutenue de celui de la parole. Il leur montra qu’un homme d’État qui veut bien gouverner doit, dans sa conduite politique, préférer toujours ce qui est honnête à ce qui flatte ; mais que dans ses discours, il faut que la douceur du langage tempère l’amertume des objets utiles qu’il propose.

 

 

La mère de Cicéron se nommait Helvia : elle était d’une famille distinguée, et soutint, par sa conduite, la noblesse de son origine. On a sur la condition de son père des opinions très opposées : les uns prétendent qu’il naquit et fut élevé dans la boutique d’un foulon[1] ; les autres font remonter sa maison à ce Tullus Attius qui régna sur les Volsques avec tant de gloire. Le premier de cette famille qui eut le surnom de Cicéron fut un homme très estimable ; aussi ses descendants, loin de rejeter ce surnom, se firent un honneur de le porter, quoiqu’il eût été souvent tourné en ridicule. Il vient d’un mot latin qui signifie pois chiche[2] ; et le premier à qui on le donna avait à l’extrémité du nez une excroissance qui ressemblait à un pois chiche, et qui lui en fit donner le surnom. Cicéron, celui dont nous écrivons la vie, la première fois qu’il se mit sur les rangs pour briguer une charge, et qu’il s’occupa des affaires publiques, fut sollicité par ses amis de quitter ce surnom et d’en prendre un autre ; mais il leur répondit, avec la présomption d’un jeune homme, qu’il ferait en sorte de rendre le nom de Cicéron plus célèbre que ceux des Scaurus et des Catulus. Pendant sa questure en Sicile, il fit aux dieux l’offrande d’un vase d’argent, sur lequel il fit graver en entier ses deux premiers noms, Marcus Tullius ; et au lieu du troisième, il voulut, par plaisanterie, que le graveur mît un pois chiche. Voilà ce qu’on dit de son nom. (…)

                Sa mère le mit au monde sans travail et sans douleur ; il naquit le 3 de janvier, jour auquel maintenant les magistrats de Rome font des voeux et des sacrifices pour la prospérité de l’empereur. Il apparut, dit-on, à sa nourrice un fantôme qui lui dit :  » l’enfant que tu nourris procurera un jour aux Romains les plus grands avantages. (…)

                II avait reçu de la nature un esprit né pour la philosophie et avide d’apprendre, tel que le demande Platon : fait pour embrasser toutes les sciences, il ne dédaignait aucun genre de savoir et de littérature ; mais il se porta d’abord avec plus d’ardeur vers la poésie ; et l’on a de lui un petit poème en vers tétramètres, intitulé Pontius Glaucus, qu’il composa dans sa très grande jeunesse. (…)

                Il est vrai qu’il était maigre et décharné, et qu’il avait l’estomac si faible, qu’il ne pouvait manger que fort tard, et ne prenait que peu de nourriture. Ce n’est pas que sa voix ne fût forte et sonore ; mais elle était dure et peu flexible ; et comme il déclamait avec beaucoup de chaleur et de véhémence, en s’élevant toujours aux tons les plus hauts, on craignait que son tempérament n’en fût altéré. (…)

                C’est de tous les orateurs celui qui a le mieux fait sentir aux Romains quel charme l’éloquence ajoute à la beauté de la morale ; de quel pouvoir invincible la justice est armée, quand elle est soutenue de celui de la parole. Il leur montra qu’un homme d’État qui veut bien gouverner doit, dans sa conduite politique, préférer toujours ce qui est honnête à ce qui flatte ; mais que dans ses discours, il faut que la douceur du langage tempère l’amertume des objets utiles qu’il propose.

2. Catilina

C’est Salluste qui nous donne des renseignements sur Catilina au début de La conjuration de Catilina.

L[ucius Sergus] Catilina, nobili genere natus, fuit magna vi et animi et corporis, sed ingenio malo pravoque. Huic ab adulescentia bella intestina, caedes, rapinae, discordia civilis grata fuere ibique iuventutem suam exercuit. Corpus patiens inediae, algoris, vigiliae supra quam cuiquam credibile est. Animus audax, subdolus, varius, cuius rei lubet simulator ac dissimulator, alieni adpetens, sui profusus, ardens in cupiditatibus; satis eloquentiae, sapientiae parum. Vastus animus inmoderata, incredibilia, nimis alta semper cupiebat.

 

Cicéron Catilina
Nomen
Praenomen
Cognomen
Physique
Tempérament
Intelligence
Ordre social

 

 

 

 

Séance 2 : La crise éclate

 

  1. Le point de vue de Salluste sur la période.

 

Sed ubi labore atque justitia res publica crevit, reges magni bello domito, nationes feræ et populi ingentes vi subacti, Carthago, æmula imperii Romani, ab stirpe interiit, cuncta maria terræque patebant, sævire Fortuna ac miscere omnia coepit. Qui labores, pericula, dubias atque asperas res acile toleraverant, eis otium, divitiæ, optanda alias, oneri miseriæque fuere. Igitur primo pecuniæ, deinde imperii cupido crevit ; ea quasi materies omnium malorum fuere. Namque avaritia idem, probitatem, ceterasque artis bonas subvortit ; pro his superbiam, crudelitatem, deos neglegere, omnia venalia habere edocuit. Ambitio subegit multos mortalis falsos fieri, aliud in pectore clausum, aliud in lingua promptum habere, amicitias inimicitias non ex re sed ex commodo æstumare, magisque voltum quam ingenium bonum habere. Hæc primo paulatim crescere, interdum vindicari ; post, ubi contagio quasi pestilentia invasit, civitas inmutata, imperium ex justissumo atque optumo crudele intolerandumque factum.    Mais quand,                                                                                                                                      , quand les plus puissants rois furent domptés, les peuplades barbares et les grandes nations soumises par la force, Carthage,                                                                               , détruite jusqu’à la racine, lorsque mers et terres s’ouvraient toutes aux vainqueurs, la fortune se mit à sévir et à tout bouleverser. Ces hommes qui avaient aisément enduré fatigues, dangers, situations difficiles ou même critiques, ne trouvèrent dans le repos et la richesse, biens par ailleurs désirables, que fardeaux et misères. D’abord la soif de l’argent s’accrut, puis celle du pouvoir ; ce fut pour ainsi dire l’aliment de tous les maux. L’avarice détruisit la loyauté, la probité et toutes les vertus ; à leur place ce fut l’orgueil, la cruauté, le mépris des dieux, la vénalité qu’elle enseigna.

 

, à penser secrètement d’une façon, à s’exprimer ouvertement d’une autre, à régler leurs amitiés et leurs inimitiés non sur le mérite mais sur leur intérêt, à se faire un visage plutôt qu’une âme honnête. Le progrès de ces vices fut d’abord insensé, parfois même ils étaient punis ; puis,                                                                                                                                               , la cité changea d’aspect, le plus juste et le meilleur des gouvernements se transforma en un Empire cruel et intolérable (trad. A. Ernout, CUF, les Belles Lettres).

Salluste, La Conjuration de Catilina, X.

 

 

 

 

Atouts de la République à son apogée Désavantages de la République à son apogée

 

 

2. La soif de Catilina

 

Voici la suite du premier texte que nous avons étudié sur Catilina (Incipit de La conjuration de Catilina, Salluste).

 

Vastus animus inmoderata, incredibilia, nimis alta sempercupiebat. Hunc post dominationem L. Sullæ lubido maxuma invaserat rei publicæ capiundæ, neque idquibus modis adsequeretur, dum sibi regnum pararet,quicquam pensi habebat. Agitabatur magis magisque in dies animus ferox inopia rei familiaris et conscientia scelerum, quæ utraque is artibus auxerat quas supra memoravi. Incitabant præterea corrupti civitatis mores, quos pessuma ac divorsa inter se mala, luxuria atque avaritia, vexabant.

 

Son esprit insatiable aspirait sans cesse au démesuré, à l’incroyable, à l’excessif. Depuis la tyrannie de L. Sulla, une irrésistible envie l’avait envahi de prendre le pouvoir ; et pourvu qu’il s’emparât du trône, peu lui importaient les moyens. Cette âme farouche était tourmentée chaque jour davantage par le manque de patrimoine et la conscience de

ses crimes,

 

 

 

 

 

 

 

3. L’escalade (Dion Cassius, Histoire Romaine, livre XXXVII)

Ὁ δὲ Κατιλίνας (…)ἐπεχείρησε μέν (…) τὸν Κικέρωνα καὶ ἄλλους τινὰς τῶν πρώτων ἐν αὐταῖς ταῖς ἀρχαιρεσίαις (…) φονεῦσαι, οὐκ ἠδυνήθη δέ.

Catilina), tenta avec une poignée d’hommes qu’il avait réunis pour un coup de main de massacrer dans les comices mêmes Cicéron et d’autres citoyens considérables, afin d’être nommé consul sur-le-champ ; mais il ne put y parvenir.

 

 

 

 

Cicéron, instruit à temps de ce projet, le dénonça au sénat et accusa vigoureusement Catilina. N’ayant pu faire décréter aucune des mesures qu’il croyait nécessaires (car ses révélations ne parurent point vraisemblables, et ou le soupçonna d’avoir, par inimitié personnelle, calomnié les accusés), il conçut des craintes ; parce qu’il venait d’irriter encore davantage Catilina il n’osa point se rendre dans l’assemblée sans précaution, comme il avait coutume de le faire ; mais il emmena avec lui des amis prêts à le défendre, s’il était menacé de quelque danger. Enfin, autant pour sa propre sûreté que pour rendre les conjurés odieux, il mit sous sa robe une cuirasse qu’il laissait voir là dessein. Tout cela, joint au bruit vaguement répandit que des embûches étaient dressées au consul, souleva l’indignation publique. Aussi les complices de Catilina, craignant le courroux de la multitude, se tinrent-ils tranquilles.

 

Séance 3 : la réaction de Cicéron

 

63 avant J.C. : Catilina et ses alliés du parti des populares rêvent de renverser par la force la constitution romaine. Profitant de son charisme, Catilina entraîne des jeunes hommes ruinés, et rassemble une armée en Étrurie. Cicéron, devenu consul, a été informé de tous ces événement par ses espions. Ces derniers l’ont aussi prévenu in extremis d’un projet visant à l’abattre. Lorsque les assassins de Catilina frappent à sa porte, il refuse de les recevoir… et sauve sa vie.

                C’est avec une cuirasse apparente sous sa toge que le consul s’adresse au Sénat. Catilina est dans l’auditoire.

 

Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra? quam diu etiam furor iste tuus nos                                           ? quem ad finem sese effrenata                                               audacia? Nihilne te nocturnum praesidium Palati, nihil urbis vigiliae, nihil timor populi, nihil concursus bonorum omnium, nihil hic munitissimus habendi senatus locus, nihil horum ora voltusque                                                            ? Patere tua consilia non sentis, constrictam iam horum omnium scientia teneri coniurationem tuam non                                                              ? Quid proxima, quid superiore nocte egeris, ubi fueris, quos convocaveris, quid consilii ceperis, quem nostrum ignorare arbitraris? O tempora, o mores! Senatus haec                                                     . Consul                                                ; hic tamen                          .                                               ? immo vero etiam in senatum                                  , fit publici consilii particeps, notat et designat oculis ad caedem unum quemque nostrum. Nos autem fortes viri satis facere rei publicae videmur, si istius furorem ac tela vitemus. Ad mortem te, Catilina, duci iussu consulis iam pridem oportebat, in te conferri pestem, quam tu in nos machinaris.

Cicéron, Première Catilinaire, Incipit.

 

Jusqu’à quand abuseras-tu, Catilina, de notre patience ? Pendant combien de temps encore ta folie se jouera-t-elle de nous ? A quelle fin cette présomption effrénée s’agitera-t-elle ? En rien ne t’ont ému donc les gardes nocturnes, les protection qu’a prises le sénat, les faces et les visages de ces hommes-ci ?                                                          , tu ne vois pas que ta conjuration a été comprise, prise à la gorge par le savoir faire de tous ceux qui sont ici ? Ce que tu as fait hier, avant-hier, où tu as été, qui tu as réuni, quelles décisions tu as prises, qui l’ignore parmi nous, d’après toi ? Quelle époque, quelle moeurs ! Le Sénat le comprend. Le consul le voit ; mais celui-ci vit. Il vit ? Bien plus encore, il vient au senat,                                                                                         ,

Mais à nous, hommes courageux, il nous semble faire assez pour la République, si nous évitons sa folie et ses traits. C’est à la mort, Catilina, qu’il aurait déjà fallu auparavant te conduire sur décision du consul, c’est sur toi qu’il aurait fallu rejeter la peste que tu projettes contre nous.

 

 

                Effrayé, Catilina se retire du sénat et part en Etrurie rejoindre son armée, avouant ainsi sa culpabilité. Cicéron s’adresse alors à la foule romaine en prononçant un discours au forum.

 

Cicéron, Deuxième Catilinaire IV, 7-V, 9

  1. 7. O fortunatam rem publicam, si quidem hanc sentinam urbis ejecerit ! Uno mehercule Catilina exhausto levata mihi et recreata res publica videtur. Quid enim mali aut sceleris fingi aut cogitari potest, quod non ille conceperit ? Quis tota Italia veneficus, quis gladiator, quis latro, quis sicarius, quis parricida, quis testamentorum subjector, quis circumscriptor, quis ganeo, quis nepos, quis adulter, quæ mulier infamis, quis corruptor juventutis, quis corruptus, quis perditus inveniri potest, qui se cum Catilina non familiarissime vixisse fateatur ? quæ cædes per hosce annos sine illo facta est ? quod nefarium stuprum non per illum ?

Séance 4 : le sort de Catilina

Catilina panique : il essaye d’entraîner dans la conjuration des Allobroges (une tribu gauloise), mais ces derniers le trahissent et livrent à Cicéron une lettre prouvant que Catilina cherche bien à renverser la république avec son armée. Nous sommes le 15 Décembre -63 : Cicéron parle aux sénateurs du sort à réserver aux conjurés. L’optimate qu’il est s’oppose alors à un général faisant parti des populares et qui tente de sauver la vie des conjurés : Julius Caesar.

 

  1. Cicéron, Quatrième Catilinaire I, 1-2
  2. Video, patres conscripti, in me omnium vestrum ora atque oculos esse conversos ; video vos non solum de vestro ac rei publicæ, verum etiam, si id depulsum sit, de meo periculo esse sollicitos. Est mihi jucunda in malis et grata in dolore vestra erga me voluntas ; sed eam, per deos immortales ! deponite atque, obliti salutis meæ, de vobis ac de vestris liberis cogitate. Mihi si hæc condicio consulatus data est, ut omnes acerbitates, omnes dolores cruciatusque perferrem, feram non solum fortiter, verum etiam libenter, dummodo meis laboribus vobis populoque Romano dignitas salusque pariatur. 2. Ego sum ille consul, patres conscripti, cui non forum, in quo omnis æquitas continetur, non campus, consularibus auspiciis consecratus, non curia, summum auxilium omnium gentium, non domus, commune perfugium, non lectus, ad quietem datus, non denique hæc sedes honoris, sella curulis, umquam vacua mortis periculo atque insidiis fuit. Ego multa tacui, multa pertuli, multa concessi, multa meo quodam dolore in vestro timore sanavi. Nunc, si hunc exitum consulatus mei di immortales esse voluerunt, ut vos populumque Romanum ex cæde miserrima, conjuges liberosque vestros virginesque Vestales ex acerbissima vexatione, templa atque delubra, hanc pulcherrimam patriam omnium nostrum ex foedissima flamma, totam taliam ex bello et vastitate eriperem, quæcumque mihi uni proponetur fortuna subeatur. Etenim si P. Lentulus suum nomen, inductus a vatibus, fatale ad perniciem rei publicæ fore putavit, cur ego non læter meum consulatum ad salutem populiRomani prope fatalem exstitisse ?

 

  1. 1.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                 ; mais renoncez à elle, au nom des dieux immortels, et oubliant mon salut, ne songez qu’à vous-mêmes et à vos enfants. Si le lot de mon consulat est de subir jusqu’au bout toutes les peines et toutes les souffrances, je les endurerai non seulement avec résolution, mais encore avec plaisir, pour peu que mes épreuves assurent à vous mêmes et au peuple romain l’honneur et le salut. 2. Moi, je suis ce consul, pères conscrits, pour qui ni le forum, sanctuaire de toute justice, ni le Champ de Mars, consacré par les auspices consulaires, ni la curie, suprême recours de tous les peuples, ni sa maison, refuge de chacun, ni son lit, destiné au repos, ni ce siège d’honneur, la chaise curule, ne se sont trouvés un seul instant libres de tout danger de mort, de toute embuscade.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       . Maintenant, si la volonté des dieux immortels a fait qu’à la fin de mon consulat, je puisse arracher vous-mêmes et le peuple romain au plus déplorable des massacres, vos femmes, vos enfants et les vierges de Vesta aux plus pénibles outrages, les temples et les sanctuaires, cette patrie si belle, notre bien à tous, au plus horrible incendie, l’Italie entière à la guerre et au pillage, quel que soit le sort qui m’échoie à moi seul, je le subirai. Et puis, si P. Lentulus, abusé par les devins, s’est imaginé qu’à son nom serait attaché par le destin la ruine de la république, pourquoi ne me réjouirais-je pas qu’à mon consulat soit attaché par le destin, pour ainsi dire, le salut du peuple romain ?

 

Cicéron obtient du sénat la mise à mort des conjurés. Le soir même ceux-ci sont exécutés dans le Tullianum, un des cachots de la prison Mamertine (près du Capitole). A la lumière des torches, les chevaliers en armes entourent le consul en l’acclamant et lui font cortège. Le mois suivant (5 janvier 62) l’armée gouvernementale triomphe de l’armée de Catilina – que beaucoup de ses partisans ont d’ailleurs abandonné – à Pistoia (en Étrurie) où Catilina lui-même trouve la mort.

 

  1. Qui était Catilina ?

Nous sommes le 4 Avril -56, huit ans après la première catilinaire. Cicéron défend Caelius, accusé d’avoir sympathisé avec Catilina. Il doit répondre du « crimen familiaritis Catilinae ». Lors de la défense de son client, Cicéron brosse le portrait de son ancien ennemi, mort lors de la bataille de Pistoia.

V, 12. Il y avait en lui, vous vous en souvenez, je pense, de nombreux traits des plus hautes vertus, mais, loin d’être fermement accusés, ils étaient simplement esquissés. Il fréquentait une bande de vauriens et, pourtant, il affectait de se dévouer aux gens honorables. Il y avait en lui de nombreux penchants vers les passions ; il y avait aussi des stimulants à l’activité et au travail. Il portait en lui le feu des passions vicieuses ; il avait aussi un vif intérêt pour les choses militaires. Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu sur terre un être aussi exceptionnel, un tel alliage de goûts et d’appétits innés, aussi contraires, opposés et contradictoires.

VI, 13. Y eut-il jamais quelqu’un qui charma davantage les plus distingués de nos concitoyens et plus intime avec les plus vils ? Quel citoyen fut plus attaché jamais au meilleur parti et fut pour notre pays un ennemi plus odieux ? Qui fut plus souillé par la débauche ? plus endurant dans les fatigues ? plus avide dans la rapine ? plus prodigue dans les largesses ? et ce qu’il y avait d’étonnant, à vrai dire, dans cet homme, c’était son habileté à s’attacher l’amitié de nombre de gens, à les y garder par ses complaisances, à partager avec tous ce qu’il possédait, à mettre au service de ses partisans, quand ils étaient dans la gêne, son argent, son influence, sa peine, même le crime, si c’était nécessaire, et l’audace ; c’était aussi son aptitude à se retourner, à plier son caractère aux circonstances, à l’orienter et à le fléchir en tous sens, à se montrer enfin sévère avec les gens austères, enjoué avec les personnes gaies, grave avec les vieillards, aimable avec les jeunes, audacieux avec la canaille, dissolu avec les libertins. 14. Grâce à ce caractère si divers et si complexe, il avait rassemblé près de lui tout ce que l’univers enfermait de vauriens et d’aventuriers, mais il s’attachait également nombre de gens honnêtes et courageux par certains dehors de vertu simulée. En fait, jamais cet homme n’aurait pu engager une action aussi criminelle pour détruire notre gouvernement, si tant de vices aussi monstrueux n’avaient eu, pour ainsi dire, pour racines cette souplesse et cette persévérance. Rejetons donc, juges, la condition qu’on veut nous imposer et qu’on n’attache pas à Cælius l’accusation d’avoir été l’intime de Catilina : cette accusation peut être portée contre bien des gens, et même, contre certaines honnêtes gens. Moi même,je le déclare, oui, moi, il a failli naguère m’abuser, car je voyais en lui un bon citoyen, attaché à l’estime des gens de bien, un ami sûr et loyal ; ses crimes, je les ai vus avant d’y croire, et je les ai touchés de mes mains avant de les soupçonner.

Cicéron, Pro CælioV, 12-VI, 13-14.[Trad. J. Cousin, CUF, Les Belles Lettres.

2. Le triomphe de Cicéron

 

Ἤδη δ’ ἦν ἑσπέρα, καὶ δι’ ἀγορὰς ἀνέβαινεν εἰς                              , οὐκέτι σιωπῇ τῶν πολιτῶν οὐδὲ τάξει προπεμπόντων αὐτόν, ἀλλὰ      καὶ                        δεχομένων καθ’ οὓς γένοιτο,                     καὶ κτίστην ἀνακαλούντων                                                . Τὰ δὲ φῶτα πολλὰ κατέλαμπε τοὺς στενωπούς, λαμπάδια καὶ δᾷδας ἱστάντων ἐπὶ                      .               δὲ                           ἐκ          προὔφαινον ἐπὶ                             καὶ θέᾳ τοῦ ἀνδρός, ὑπὸ                                           μάλα σεμνῶς ἀνιόντος· ὧν οἱ πλεῖστοι                                τε κατειργασμένοι μεγάλους καὶ διὰ θριάμβων εἰσεληλακότες καὶ προσεκτημένοι γῆν καὶ θάλατταν οὐκ ὀλίγην, ἐβάδιζον ἀνομολογούμενοι πρὸς ἀλλήλους, πολλοῖς μὲν τῶν τόθ’ ἡγεμόνων καὶ στρατηγῶν πλούτου καὶ λαφύρων καὶ δυνάμεως χάριν ὀφείλειν τὸν Ῥωμαίων δῆμον, ἀσφαλείας δὲ καὶ σωτηρίας ἑνὶ μόνῳ Κικέρωνι, τηλικοῦτον ἀφελόντι καὶ τοσοῦτον αὐτοῦ                        . Οὐ γὰρ τὸ κωλῦσαι τὰ πραττόμενα καὶ κολάσαι τοὺς πράττοντας ἐδόκει θαυμαστόν, ἀλλ’ ὅτι μέγιστον τῶν πώποτε νεωτερισμῶν οὗτος ἐλαχίστοις κακοῖς ἄνευ στάσεως καὶ ταραχῆς κατέσβεσε. Καὶ γὰρ τὸν Κατιλίναν οἱ πλεῖστοι τῶν συνερρυηκότων πρὸς αὐτὸν ἅμα τῷ πυθέσθαι τὰ περὶ Λέντλον καὶ Κέθηγον ἐγκαταλιπόντες ᾤχοντο, καὶ μετὰ τῶν συμμεμενηκότων αὐτῷ διαγωνισάμενος πρὸς Ἀντώνιον αὐτός τε διεφθάρη καὶ τὸ στρατόπεδον.

La nuit approchait ; Cicéron traversa la place pour retourner dans sa demeure, non plus au milieu d’un peuple silencieux et qui l’escortait dans le plus grand ordre, mais entouré d’une multitude de citoyens qui le couvraient d’acclamations et d’applaudissements, et qui l’appelaient le sauveur, le nouveau fondateur de Rome. Les rues étaient illuminées de lampes et de torches devant chaque porte ; les femmes éclairaient aussi du haut des toits, pour lui faire honneur, et pour le contempler remontant avec son majestueux cortège de patriciens, dont la plupart ou avaient terminé des guerres importantes, ou étaient rentrés dans Rome sur des chars de triomphe, ou avaient conquis à l’empire romain une vaste étendue de terres et de mers. Ils marchaient, se faisant les uns aux autres 63 l’aveu que, si le peuple romain devait aux victoires de plusieurs des généraux contemporains de l’or et de l’argent, de riches dépouilles et une grande puissance, Cicéron était le seul qui eût assuré sa sécurité et son salut, en écartant de la patrie cet affreux danger. Ce qu’on trouvait admirable, ce n’était pas d’avoir prévenu l’exécution du complot, et d’avoir fait punir les coupables, c’était d’avoir su étouffer, par les moyens les moins violents, la plus vaste conjuration qui eût jamais été formée, et de l’avoir éteinte sans sédition et sans trouble.

Plutarque, Cicéron, 22

οἰκία, ας (ἡ) S1d maison
φωνή, ῆς (ἡ) S1d son
κρότος, ου (ὁ) S2d applaudissement
σωτήρ, ῆρος (ὁ/ἡ) S3d sauveur
θύρα, ας (ἡ) S1d porte
γυνή, γυναικός (ἡ) S3d femme
πομπή, ῆς (ἡ) S1d cortège
ἄριστος, η, ον A1c le meilleur (ici : le patricien)
πόλεμος, ου (ὁ) S2d Guerre
κίνδυνος, ου (ὁ) S2d danger
πατρίς, ίδος (ἡ) S3d La patrie, ici Rome.
τέγος, ους (τό) S3d toit
τιμή, ῆς (ἡ) S1d honneur

 

 

 

 

 

Ἤδη δ’ ἦν ἑσπέρα, καὶ δι’ ἀγορὰς ἀνέβαινεν εἰς τὴν οἰκίαν, οὐκέτι σιωπῇ τῶν πολιτῶν οὐδὲ τάξει προπεμπόντων αὐτόν, ἀλλὰ φωναῖς καὶ κρότοις δεχομένων καθ’ οὓς γένοιτο, σωτῆρα καὶ κτίστην ἀνακαλούντων τῆς πατρίδος. Τὰ δὲ φῶτα πολλὰ κατέλαμπε τοὺς στενωπούς, λαμπάδια καὶ δᾷδας ἱστάντων ἐπὶ ταῖς θύραις. Αἱ δὲ γυναῖκες ἐκ τῶν τεγῶν προὔφαινον ἐπὶ τιμῇ καὶ θέᾳ τοῦ ἀνδρός, ὑπὸ πομπῇ τῶν ἀρίστων μάλα σεμνῶς ἀνιόντος· ὧν οἱ πλεῖστοι πολέμους τε κατειργασμένοι μεγάλους καὶ διὰ θριάμβων εἰσεληλακότες καὶ προσεκτημένοι γῆν καὶ θάλατταν οὐκ ὀλίγην, ἐβάδιζον ἀνομολογούμενοι πρὸς ἀλλήλους, πολλοῖς μὲν τῶν τόθ’ ἡγεμόνων καὶ στρατηγῶν πλούτου καὶ λαφύρων καὶ δυνάμεως χάριν ὀφείλειν τὸν Ῥωμαίων δῆμον, ἀσφαλείας δὲ καὶ σωτηρίας ἑνὶ μόνῳ Κικέρωνι, τηλικοῦτον ἀφελόντι καὶ τοσοῦτον αὐτοῦ κίνδυνον. Οὐ γὰρ τὸ κωλῦσαι τὰ πραττόμενα καὶ κολάσαι τοὺς πράττοντας ἐδόκει θαυμαστόν, ἀλλ’ ὅτι μέγιστον τῶν πώποτε νεωτερισμῶν οὗτος ἐλαχίστοις κακοῖς ἄνευ στάσεως καὶ ταραχῆς κατέσβεσε. Καὶ γὰρ τὸν Κατιλίναν οἱ πλεῖστοι τῶν συνερρυηκότων πρὸς αὐτὸν ἅμα τῷ πυθέσθαι τὰ περὶ Λέντλον καὶ Κέθηγον ἐγκαταλιπόντες ᾤχοντο, καὶ μετὰ τῶν συμμεμενηκότων αὐτῷ διαγωνισάμενος πρὸς Ἀντώνιον αὐτός τε διεφθάρη καὶ τὸ στρατόπεδον.

[1]  foulon, m : ouvrier qui effectue l’opération du foulage (nettoyage) du drap.

[2]   cicer, eris, n. : le pois chiche