Utiliser les ressources architecturales locales

Utilisation des ressources architecturales locales au sein de l’enseignement des LCA, en lien avec l’histoire des arts et la maîtrise des TICE.

Séquence en pdf (avec les images, donc): Utiliser les ressources architecturales locales

I Présentation générale.

L’objectif de ce travail est multiple : il s’agit tout à la fois de faire prendre conscience aux élèves des richesses de leur patrimoine local, ainsi que de l’importance des modèles antiques dans la création des formes et des modèles architecturaux qui les environnent, de mettre en avant le travail de recherche et de réappropriation des connaissances, après un tri efficace de celles-ci, de mobiliser dans la mesure du possible leurs savoirs scientifiques et techniques par un travail interdisciplinaire, motivé autour d’une série de problématiques liées à l’histoire des arts, de valoriser les productions des élèves par une présentation de celles-ci que l’enseignant peut proposer aux collectivités territoriales, en plus de la mise en avant qu’il en fera dans son établissement.

Si je l’ai mené au sein d’un collège de la banlieue bordelaise avec une classe de troisième, il va de soi qu’il est facilement adaptable à n’importe quel lieu géographique, et à n’importe quel niveau scolaire si l’on en fait varier les contraintes et les attendus pédagogiques. Il peut être mené sur une année complète, comme travail de fond, ou faire l’objet de courtes séquences spécifiques.

II Choix des ressources et début du travail.

Une présélection est d’abord nécessaire : si les lieux réellement antiques doivent sembler prioritaires, il ne faut pas s’en contenter. En effet, nous occupant de Bordeaux, nous ne pouvions compter que sur un nombre très réduit de bâtiments ou d’éléments, contrairement à ce qui serait le cas à Dax ou à Périgueux. Il faut donc repérer des éléments architecturaux ou des constructions d’inspiration antiques dans la forme ou dans l’esprit. Si la ville est étendue, on ne saurait trop conseiller de se limiter à un périmètre donné, pour simplifier le travail ultérieur. Il est dès ce moment-là fort utile de se constituer une banque d’images libres de droit, en allant soi-même prendre de nombreuses photos, car il va de soi que les élèves risquent ensuite sans cela de construire leurs travaux sur la base d’images récupérées sur internet et dont l’utilisation hors de la classe poserait problème.

Nous avons pour notre part réduit notre périmètre à un secteur comprenant le cours de l’Intendance, le Grand Théâtre, la Galerie Bordelaise, avec en plus le Palais Gallien, et la place de l’hôtel de ville. Notre liste comprenait entre autres les éléments suivants :

  • le Grand Théâtre, plan général ;

  • muses et déesses du Grand Théâtre ;

  • colonnes et chapiteaux du Grand Théâtre ;

  • Atlantes du cours de l’Intendance ;

  • Cariatides du cours de l’Intendance ;

  • les colonnes de divers bâtiments situés sur ce cours ;

  • la devise de la ville de Bordeaux ;

  • le Palais Gallien ;

  • la font d’Audège.

Les élèves sont invités à se mettre en groupe de 2 à 4, et à choisir l’un des éléments proposés, ou à en suggérer d’autres s’ils le souhaitent au sein du périmètre donné. Un groupe d’élèves a ainsi choisi de travailler sur la porte Dijeaux. Leur choix peut se faire après une rapide présentation en classe, ou après avoir regardé les photos mises à leur disposition dans un dossier sur Argos, l’un n’excluant d’ailleurs pas l’autre.

C’est à ce moment-là que débute réellement leur travail. Sans leur donner plus d’indications sur ce qui suivra, l’enseignant leur demandera de maîtriser suffisamment leur sujet, tant dans les domaines esthétiques que techniques et historiques, pour en faire un exposé au reste de la classe d’un quart d’heure.

Que cet exposé ait ou n’ait pas lieu (ce que nous avons jugé préférable puisque le but du travail de recherche était l’acquisition de connaissances), il s’agit ensuite de leur demander de fournir un QCM appuyé sur leurs travaux et montrant la bonne compréhension de leur domaine. Ce QCM doit pouvoir être proposé à un novice dans les langues latine ou grecque, un touriste par exemple…

Voici par exemple ce qu’a pu produire un groupe d’élèves (Estelle, Nicolas et Marjorie) :

II Du QCM au QR-Code…

 Ces questionnaires une fois finis, améliorés avec l’aide des autres membres de la classe suite à une présentation générale par chaque groupe de leurs travaux, et évalués (une note sur 10 doit pouvoir permettre de valoriser aisément le travail des élèves) il leur est demandé de produire un diaporama reprenant certaines des questions posées, et répondant à certaines attentes très précises :

  • le but du diaporama est de donner à un hypothétique touriste les informations essentielles sur l’élément choisi ;

  • pour ne pas l’ennuyer, et pour le faire réfléchir, il faut passer par le jeu ;

  • ce diaporama doit pouvoir être cliquable.

 Ainsi, si les élèves choisissent dans une question de donner le choix entre plusieurs réponses, un mauvais choix amènera le touriste sur une page d’erreur comprenant un élément à cliquer pour revenir sur la page précédente, alors qu’un choix judicieux l’amènera sur une page le félicitant, page comprenant un élément à cliquer qui lui donnera des renseignements plus détaillés, avant de passer à la question suivante.

 Dans leur diaporama sur les Atlantes, Alexandre et Thomas, après avoir fait deviné le nom d’Atlantes face à la photo de ceux du cours de l’Intendance, ont inséré cette diapositive :

 Suivent alors plusieurs choix, dont le bon nous mènera à la diapositive de la page suivante.

C’est dans cette phase-là que le fait de s’être constitué une base de photos libres de droit et accessibles au élèves s’avère déterminant. Il peut être préférable pour certains d’accompagner les élèves afin qu’ils prennent eux-mêmes leurs photos. C’est également en vue de cette partie plus technique qu’il convient de se rapprocher des professeurs de technologie ou d’informatique, même si au final la création de ces diaporamas peut être suffisamment aisée pour que des élèves de troisième aient pu le faire sans aide. Les professeurs d’histoire peuvent avec profit exploiter ces recherches et ces productions, tout comme les professeurs de physique qui pourront aider les élèves à comprendre les contraintes techniques, les forces en œuvre etc.

 Suivant les éléments choisis, on pourra accompagner ce travail par des choix de textes étudiés en classe, qui jetteront un autre regard sur ces sujets : extraits des Métamorphoses pour la figure d’Atlas, de Vitruve pour les colonnades, textes descriptifs ou historiques, en langue originale ou en traduction, simple ou comparée, etc.

 Ces diaporamas corrigés et évalués trouveront tout naturellement leur place sur le site internet du collège, ou du groupe de latin si vous en avez créé un.

 Et puisque vous avez mis en lien ces outils créés par vos élèves, il ne vous reste plus qu’à aller voir les représentants de la ville ou les instances gérant le monument autour duquel vous avez travaillé, en leur proposant d’enrichir leur offre à destination des touristes par l’exposition permanente et simple de ces diaporamas, exposition qui valorisera le travail des élèves sus-mentionnés… Comment cela ? Par le biais des QR-Codes.

 Ces petits idéogrammes, de forme carrée, se retrouvent un peu partout dans les villes. Il suffit de les photographier avec son téléphone pour accéder à une page d’informations, généralement publicitaires, ou à des informations diverses. En réalité, ils ne constituent qu’un lien, derrière lequel on peut mettre n’importe quoi : accès à un site ou lien internet, à une adresse mèl, à un compte sms, à un no de téléphone… C’est le lien internet qui nous intéresse. Facilement créables (vous trouverez aisément sur le net une multitude de générateurs gratuits dont l’utilisation est simplifiée au maximum), vous allez pouvoir créer des codes QR que la municipalité par exemple n’aura plus qu’à disposer sur le bâtiment, et qui renverront vers un QCM, un diaporama, ou une vidéo (mais je reviendrai sur ce point-là…).

 Ils vous demanderont peut-être de faire certaines modifications, ou d’héberger eux-mêmes sur leur site ces documents. Il semble en réalité préférable de prendre contact avec eux avant de débuter ce travail, afin de connaître leurs attentes, de leur expliquer ce que vous allez faire, et de bénéficier si c’est possible du soutien et de l’aide de leurs services techniques et informatiques.

 Ci-dessous le QR-Code menant à la page de l’ARELABOR.

 IV Pour aller plus loin.

 Nous avons jugé que tout ce travail fourni pouvait se prolonger utilement, par le biais d’une visite sur place au cours de laquelle les élèves allaient pouvoir tester leurs questionnaires et leurs diaporamas. L’importance d’un périmètre réduit et sécurisé (rues piétonnes…) est alors déterminante pour pouvoir laisser les élèves en relative autonomie.

 Il leur est confié une caméra vidéo par groupe (impossible pour nous, ils ont dû se relayer), et il leur est demandé d’aller interviewer les passants, autour bien sûr de la connaissance de ces éléments architecturaux (tout empreints qu’ils étaient de leurs récentes connaissances, les nôtres ont ainsi jugés fort incultes tous ceux qu’ils ont croisés… Sic!), mais aussi en leur posant des questions sur leur vision du latin et du grec, sur leur expérience de ces deux langues, sur ce qu’ils pensent qu’elles leur ont apporté… Cette partie-là leur demande un temps d’adaptation, pour oser aborder les gens, pour trouver leurs marques.

 Nous leur avons conseillé de s’appuyer sur leurs questionnaires, d’avoir éventuellement des documents à leur montrer pour aider la conversation. Plutôt que de donner tels quels les renseignements ignorés des interviewés, il vaut mieux les faire deviner, par ces jeux mis en place précédemment. Le temps passant vite, une série de quatre interviews par groupe est un bon objectif à atteindre.

Il faudra peut-être prévenir vos élèves, suivant les villes, que beaucoup de gens sont pressés, peu disponibles, parfois peu aimables, mais que de jolies rencontres sont toujours possibles (une mamie de 95 ans qui va fêter son anniversaire et qui tient à faire la bise à tous les élèves, une touriste américaine amoureuse du latin…). Il est surtout important de les laisser le plus possible se débrouiller seuls, dans une perspective d’éducation à l’autonomie.

 Ces prises de vue en poche, il va falloir les monter. C’est l’étape que nous n’avons pas encore finalisée. Il faut savoir que bien souvent les connaissances de vos élèves sont très limitées, et qu’il faudra beaucoup les aider, pour le choix des plans comme pour leur enchaînement notamment.

Deux films de une minute chacun peuvent être un objectif intéressant pour chaque groupe : le premier portant sur le bâtiment choisi, le second plus spécifiquement, si les interviews se sont avérées intéressantes, autour du latin et du grec, et de leur perception publique. Ces films pourront eux aussi se trouver sur le site de l’établissement scolaire et de la municipalité, et se retrouver facilement par des QR-Codes. La multiplication au fil des ans de ces travaux permettra de constituer une base de documents exploitables de part et d’autre, et qui valorisera tant vos élèves que l’enseignement des LCA.

S. Rajah