Paroles d’un ingénieur ancien latiniste

Bordeaux le 18 mai 2015

Une réforme du collège est évidemment nécessaire et comporte, tout aussi évidemment, plusieurs volets ; il est difficile de croire que la refonte des programmes soit le moyen de résoudre le problème de l’échec. L’enquête qui vient d’être publiée à propos d’arithmétique élémentaire révèle un problème dramatique; même constat en français, notre propre langue. Un tel constat montre assez que l’échec n’est lié ni à la discipline ni au contenu du programme…

Certes il faut offrir à chacun les mêmes chances, car c’est bien d’égalité des chances qu’il est question ; c’est-à-dire offrir à tous le même accès à l’ensemble des disciplines.

Ce n’est pas une question de capacité intellectuelle ; L’agilité de jeunes à manipuler les outils informatiques, en particulier pour avaler sans esprit critique ce qui leur est offert pour copier-coller leurs devoirs écrits, est assez démonstrative.

Ce n’est pas la suppression de disciplines ardues -grec, latin, allemand- qui règlera la question de l’égalité des chances. Fermer la porte de ces disciplines c’est au contraire aggraver le fossé des inégalités . Les parents qui voudront un tel enseignement pour leurs enfants et qui en auront les moyens, sauront trouver ici ou ailleurs les formations auxquelles les autres ne pourront pas accéder. Le rôle de l’école publique n’est-il pas aussi, depuis son origine, de permettre l’émergence des talents qui ne pourraient pas s’exprimer sans elle ?

Au-delà des polémiques et des pétitions de principes qui nourrissent le débat, l’enjeu véritable n’est-il pas de préparer la jeunesse de ce pays à cette rivalité des Etats, cette guerre qu’est la mondialisation ? Donc que chacun selon ses talents puisse trouver sa place dans ce grand conflit pour que notre pays conserve sa place, par sa compétitivité, dans ce qui n’est plus depuis longtemps « le concert des nations ».

Il faut alors s’interroger sur les motivations profondes de cette volonté de supprimer des disciplines qualifiées à juste titre d’excellence, non pas parce qu’elles ouvrent la porte d’un monde de privilèges mai parce qu’elles contribuent à former le jugement.

Il y a un paradoxe à clamer nos valeurs et nos talents et priver nos enfants des disciplines qui en sont la matière constituante .

Faut-il penser que c’est par inconscience (science sans conscience…) que cette classe politique s’obstine ainsi à saper les fondations de notre culture et de notre excellence, et à ruiner l’espoir de promotion de la nation sous prétexte « d’égalité républicaine ».

C’est in fine le point d’achoppement devant la solidarité partisane à laquelle nous assistons.

Bernard Dalisson, HEC Paris, Ingénieur Civil des Eaux et Forêts